Siroteur

Corona Café / 33

Dimanche 25 avril 2021

Siroteur ? Késaco ? Un masque qui permet de boire son café (ou autre). Autant dire, l’invention de l’année !
A l’origine de cette (fabuleuse) découverte, un retraité du Perche, Raymond Dalaise. Avec la pandémie, notre touche-à-tout a réalisé que c’en était fini de la convivialité. Le bistrot de son village propose bien des boissons à emporter, mais l’obligation de porter un masque empêche de les partager.

Certes, il est possible, dit-on, de retirer son masque pour boire une gorgée ou manger un en-cas, à condition que ce soit rapidement et à distance réglementaire. Donc, pas avec d’autres, mais tout seul dans un coin. Et encore ! La loi est assez floue sur son retrait momentané : certains se sont plaints avoir dû régler une amende de 135 € pour l’avoir enlevé le temps d’avaler un jambon-beurre ou une canette.

Notre Géotrouvetout* a donc imaginé un masque en tissu percé d’un trou, qu’il a consolidé d’un œillet de bâche pour y glisser une paille. Ainsi peut-on étancher sa soif sans craindre la maréchaussée : https://www.aisnenouvelle.fr/id122380/article/2020-08-22/coronavirus-des-masques-qui-permettent-de-boire-ont-ete-inventes-dans-lorne
Mais d’où vient ce nom de siroteur ? « C’est un peu franchouillard, c’est vendeur. De toute manière quand on vient au bistrot,
on vient siroter** !
», répond-il goguenard. 
Un masque amusant, voire pratique, mais non homologué par l’AFNOR***. Qu’à cela ne tienne, notre normand en a créé un autre avec une bande velcro et un troisième à fermeture éclair. Tous deux permettent une dégustation sans paille et le premier serait en cours de validation. « J’attends la certification pour pouvoir trouver un fournisseur, si possible local, avant de commencer la distribution », précise-t-il.

Le coronavirus semble avoir dopé la créativité des inventeurs de France et d’ailleurs. Denombreuses initiatives sont déjà commercialisées.
Au Mexique, des chercheurs ont créé un masque nasal pour limiter les risques de contamination lors des repas : https://www.lavoixdunord.fr/968681/article/2021-03-26/covid-19-le-masque-nasal-pour-manger-est-il-vraiment-efficace
En Italie, une entreprise équipe ses masques d’une valve qui s’enlève et se désinfecte :
https://www.facebook.com/watch/?v=311207269880559  
En Israël, une société en a imaginé avec une fente qu’on peut ouvrir à distance :
https://www.youtube.com/watch?v=8nBEvN0AurY

Ce siroteur et autres masques adaptés garantissent-ils une réelle protection contre le virus ?
A l’heure où nous aspirons tous – c’est le cas de le dire ! – à la réouverture de nos bistrots, c’est une vraie question …

* Personnage de fiction et inventeur prolifique créé en 1952 par Carl Barks pour Disney.
** (Familier) Boire à petits coups, en savourant. Exemple (au hasard !) : siroter son café.
*** Association Française de NORmalisation




Au Royaume-Uni …

Corona Café / 32 

Dimanche 18 avril 2021

Tout bu or not tout bu …

 

Le Royaume-Uni est le premier, en Europe, à avoir rouvert cafés et pubs* … à l’extérieur ; le reste attendra le 17 mai.
L’un des écrivains britanniques les plus populaires** déclarait que « si les bars de Londres avaient des terrasses comme à Paris, on y boirait des verres de pluie ! ». Ce mot d’esprit n’a plus lieu d’être depuis lundi tant le soleil brille à nouveau dans les yeux des grands bretons. Durement touchés par la pandémie, avec le plus grand nombre de victimes du continent, les voilà libérés grâce à un 3ème et drastique confinement doublé d’une campagne de vaccination menée tambour battant*** !

Depuis le début de la semaine donc, au Royaume-Uni, tous se précipitent sur les terrasses, les trottoirs et même les chaussées. Les règles sanitaires sont très strictes ? Qu’importe ! « Life is not all beer and skittles »**** : la vie n’est pas toujours rose rappelle cette expression … qui nous permet de mesurer où se trouve le bonheur chez les anglais !
Dans un « beer garden », ça cool de source : on y retrouve de nombreux étudiants dès l’ouverture, avancée à 9h pour l’occasion. « Cheers ! » Les pintes de Guinness s’entrechoquent : so good !
Sous leur parasol (à l’abri du crachin !), deux jeunes filles au look improbable échangent les derniers potins de la famille royale devant un café long à l’anglaise … tout en immortalisant ce moment avec leur portable.
Plus loin, les employés d’une firme voisine se sont répartis sur les tables***** pour attaquer le (copieux) breakfast : œufs au bacon, saucisses, tomates et haricots blancs, accompagnés d’une boisson chaude. Mémorable, comme la journée !

Jusqu’à hier pourtant, la joie de retrouver les terrasses de leurs cafés, pubs et restaurants n’était pas totale.
A la suite du décès du prince Philip (à 99 ans !) Le Royaume-Uni avait décrété une période de deuil national jusqu’à ses obsèques qui avaient lieu hier. 
C’est donc seulement aujourd’hui que le chef du gouvernement pourra faire la visite d’un pub, prévue initialement lundi pour célébrer leur réouverture. Et ce soir enfin, les anglais pourront à nouveau s’interpeller d’un « Come with us paint the town red ». Pour peindre leur ville en rouge ? Nooooo : pour une nuit de danses et de bières !

De l’autre côté de la Manche, nous autres, mangeurs de grenouilles, les regardons avec envie.
La réouverture de nos terrasses ? Ce sera le 17 mai … une éternité !

 

* Le mot « pub » est le raccourci de « maison publique », une maison de quartier avant la lettre en quelque sorte,
où l’on se retrouve pour boire, manger, échanger, chanter, jouer ou danser …
** Somerset Maugham (1874-1965)
*** Près de 60 % de la population a déjà reçu une première dose du vaccin.
**** La vie n’est pas faite que de bière et de bowling !
***** Les groupes de foyers différents sont limités à 6 personnes maximum.




Publicités

Corona Café / 31 

Dimanche 11 avril 2021

Publicités de notre enfance …

 

Ah, les bars ! Non, pas les poissons (bien que ce soient les seuls ouverts en ce moment !), mais, vous savez,
ces endroits chaleureux et conviviaux où l’on se retrouvait naguère pour échanger autour d’un café.
D’aucuns prétendent qu’ils pourraient rouvrir le 17 mai. Mes papilles frétillent déjà. Je m’souviens.
Non pas d’une madeleine (Cà, c’est Marcel* !), mais des publicités qui fleuraient bon le café …

A la télévision, Grand’Mère** fut une pionnière au début des années 70. Qui a oublié son slogan (« Grand’Mère sait faire un bon café »), son logo et son jingle devenus cultes ? Non seulement elle a su se faire remarquer, mais aussi s’adapter au fil des années. Elle a même quitté son traditionnel corsage pour un blouson de cuir rock’n roll !
Ses publicités alternaient humour et sentiments, simplicité et convivialité ; on passait un bon moment.
Et puis, c’est elle qui est à l’origine de la Fête des grand-mères en 1987 : une idée lumineuse qui permet aux petits-enfants de rendre hommage à leurs mamies, mais aussi de valoriser leur rôle dans notre société. https://www.dailymotion.com/video/xirg7v

Dans les années 80 est arrivé le petit train de Nescafé : nul besoin de composter son ticket, il suffisait de grimper derrière la locomotive à vapeur et on partait pour un fabuleux voyage au pays du café. Les paysages latino-américains étaient époustouflants et la musique tellement entraînante*** qu’on la retrouvait dans les fêtes de famille ou les kermesses de fin d’année. Car pendant 4’12, c’était vraiment l’Pérou !
https://www.youtube.com/watch?v=gCEP6Uaa42M

En 1985, El Gringo faisait son apparition : sélectionneur de grains, il parcourait la planète à la recherche des meilleurs pour les cafés Jacques Vabre. Explorateur à l’expertise incontestée, il était devenu une figure incontournable de la marque. La première de leurs publicités mêlait humour et expertise ; une véritable saga suivit ensuite. 
https://www.dailymotion.com/video/x3ctoj2
Huit ans plus tard, la marque s’associait à la ville du Havre pour créer la transat Jacques Vabre. L’idée était de faire revivre la Route du Café qu’empruntaient les voiliers marchands du XVIIè pour relier ce port aux pays producteurs d’Amérique du Sud. Le succès fut tel que cette aventure humaine et sportive se poursuit toujours : pour sa quinzième édition, elle partira le 7 novembre prochain, pour arriver – une nouveauté ! – dans la baie de Fort de France, en Martinique : avis aux voileux**** !

* Proust … Depuis, tout phénomène déclencheur d’une impression de réminiscence est qualifié comme tel.
** Lucette Monnier, fondatrice de l’entreprise avec son mari René, trouve le nom et l’image de la marque.
En 1954, elle invente le premier logo Grand’Mère, avec sa tasse de café à la main. L’icône est née, même si elle n’a pas encore le petit doigt levé !
*** La colegiala (la collégienne) est une chanson composée en 1975 par un péruvien qui l’interpréta avec son groupe. Elle fut popularisée en France en 1980 quand elle devint le support des spots Nescafé à la télévision … tellement qu’elle permit aux ventes de ce café d’augmenter de 60% !
**** (Familier) Personne qui pratique la navigation à voile. 




Reconfinement

Corona Café / 30

Dimanche 4 avril 2021

 

Reconfinement* : on y est ! Le troisième … et dernier ?
La (poussive) campagne de vaccination nous laisse entrevoir le bout du tunnel. Mais les cafés sont toujours en rade.
Et nous avec. Le noir, c’est juste dans nos pensées : trente semaines qu’ils sont fermés … 
Les terrasses, autrefois si animées, restent désespérément vides. Nos tasses aussi. Le café n’est pas qu’une boisson.
C’est un lieu de rencontres, d’échanges, de confrontation parfois. Bref, un lien social, un vrai. Et il nous manque !

Sans compter l’impact économique. Faute de recettes, beaucoup d’établissements ont bu la tasse … alors même que
nous en étions privés. Quelle injustice ! Finie la tournée du patron ou celle de l’habitué qui fêtait la naissance du petit dernier ou son augmentation de salaire. Terminées les brèves de comptoir** qui nous transportaient en quelques secondes dans un film de Michel Audiard. Révolues les diatribes de ceux qui refaisaient le monde avec passion et parfois tellement de bon sens.

Il n’est plus question désormais de prendre la route des zincs pour se mettre au verre : mais alors, comment enterrer les raisins de la colère, échanger sur le bien et le malt ou faire son chocolat show ? A force de ne plus pouvoir lever le coude, certains finissent par baisser les bras, voire se promiscuiter*** …
D’autres en viennent à se demander s’ils rouvriront un jour. Malgré les aides gouvernementales, beaucoup n’ont plus
de grain à moudre. Certains, même parmi les plus emblématiques****, sont déjà en vente. Trouveront-ils preneurs ?
Les clients, frustrés par ces mois de privation, ont le gosier sec. Ils devraient répondre massivement à l’appel
dès la réouverture. Mais quand ? Plus le temps passe, plus la perspective s’éloigne, tel l’horizon.

Et surtout comment ? Faudra-t-il entrer masqué ? Appliquer les gestes barrière dans un univers dont la fonction première est de les supprimer ? Regarder de travers son voisin comme un contaminateur potentiel ? Ne plus rire
ni parler pour éviter tout postillon ?
Si c’est ça, mieux vaut noyer son chagrin dans l’alcool. Patron, vite, un muscadet bien frais !
Silence radio : personne ne répond à l’appel. Eh oui, c’est encore et toujours fermé …

 

* C’est toute l’Europe qui est à présent à nouveau confinée, hormis la Finlande, la Norvège et la Suède qui ont opté
pour des mesures de restriction plus modérées, telles que la réduction des contacts sociaux, l’obligation du port du masque et la limitation des horaires des bars et restaurants. Mais comme on n’a plus le droit d’aller à plus de 10km, inutile de rêver s’y envoler !

** Cf. « Brèves de comptoir », recueils de citations authentiques publiés de 1987 à 2015 par Jean-Marie Gourio. 
Extrait en vidéo (1 mn) : https://www.youtube.com/watch?v=8OgPvkL-WEo

*** Se saouler en petit comité dans un espace réduit
(Cf. Dicorona, dictionnaire de mots-valises créé en 2020 par Olivier Auroy)

**** « Au rêve », le mythique bistrot de la rue Caulaincourt à Montmartre : il a vu défiler le Tout-Paris littéraire et artistique (Jacques Brel, Marcel Aymé, Fabrice Luchini …) mais va être vendu aux enchères le 6 mai. Un « crève-cœur » pour Elyette, sa patronne depuis cinquante ans. Après son père.